ÉCLARAGE – Les propriétaires bailleurs sont désespérés et voient avec stupéfaction leur bien dévalorisé sur la base de classements DPE difficilement compréhensibles. Cet article apporte un éclairage de terrain sur les difficultés engendrées par les modes de calcul du DPE et propose certaines préconisations.

À l’origine, le DPE était juste informatif et basé sur 2 méthodes de calcul imparfaites :

Relevé de consommations (basé sur les factures réelles des occupants)
Le relevé de consommation s’est avéré très aléatoire : en fonction de l’occupation des locaux, du mode de vie des occupants et des périodes de présence dans le logement, les résultats pouvaient aller du simple au double.

Calcul théorique (modélisation mathématique du logement – méthode dite 3CL)
La deuxième méthode possède aussi de nombreux défauts.Il est difficile de modéliser les déperditions thermiques d’un logement. Par exemple, comment savoir si un toit terrasse est isolé ?
Dans le cas des immeubles avec chauffage collectif, les contradictions sont nombreuses. La consommation de chauffage facturée est souvent basée sur un prorata de la consommation globale de l’immeuble. Donc si un copropriétaire isole son logement, il obtient un meilleur classement mais la consommation facturée reste la même !

La réforme de 2021

En 2021, le gouvernement a décidé de modifier en profondeur le DPE :
– en ne conservant qu’une seule méthode (calcul théorique),
– en intégrant dans le classement les gaz à effet de serre (GES).

Pendant 15 ans, le DPE était un document sans valeur juridique. Du jour au lendemain, il devient l’outil de mesure guillotine qui applique la sanction ultime au bailleur : l’interdiction de louer son bien.

Des évolutions incompréhensibles

Les changements de mode de calcul du DPE rendent le dispositif abscons.

  Logement chauffé au fioul, construction avant 1949 :Classement
20071er DPE    Calcul méthode 3CLD
20172e DPECalcul basé sur un relevé de consommationC
20233e DPECalcul méthode 3CL 2021 intégrant les GESF


Tous ces DPE sont pourtant règlementairement corrects.

La difficulté d’obtenir l’exhaustivité des données

Il faut aussi aller sur le terrain pour comprendre l’activité d’un diagnostiqueur. Il réalise le DPE mais aussi le mesurage, le contrôle électrique, gaz, la recherche d’amiante, de plomb, de termites. Ce sont plusieurs heures qui sont nécessaires pour recueillir l’ensemble des données. Le rendez-vous avec le locataire a été pris à 17h car il n’était pas disponible avant. Difficile de recueillir sereinement les données dans ces conditions. De plus, les délais imposés sont souvent courts, car « la signature est prévue dans 3 jours ». On ne peut donc attendre le retour d’informations du syndic.

Pour un appartement, la modélisation prend en compte des informations collectives, liées à l’immeuble, et aussi des données sur les locaux mitoyens. Ces données sont difficiles à collecter.

Une faible représentativité des DPE

Monsieur Christophe ALOSIO, directeur général de l’OPH[1] des Hautes-Alpes, a alerté récemment le ministère du logement sur les écarts parfois délirants qui peuvent exister entre le calcul théorique et les consommations réelles. Pour certains immeubles, les consommations théoriques sont 5 fois supérieures aux consommations réelles. Les logements sont donc considérés comme des « passoires thermiques » (avec interdiction de louer à la clé) alors que les consommations réelles sont très acceptables. Un classement qui serait basé sur les consommations réelles permettrait d’obtenir des classements en C ou D, presque vertueux !

Il peut exister un fort décalage entre les consommations théoriques et les consommations réelles : logement mitoyen très peu chauffé, brûleur mal réglé, température maintenue à 23°C, …

La méthode 3CL donne le même résultat au-delà de 800 m d’altitude, quelle que soit l’altitude. Ainsi deux logements identiques auront les mêmes consommations théoriques à 850 m et 1400 m d’altitude !

Pour le bâti ancien on constate généralement que les consommations réelles sont inférieures aux prédictions du logiciel.

Quelle est la pertinence du classement d’un DPE ?

Le classement DPE est censé permettre de recenser les « passoires thermiques ». Cette vilaine expression est utilisée pour mettre au ban les bailleurs dont les biens ont une forte consommation d’énergie au m2.

Pourtant, certains biens correctement isolés peuvent être mal classés :

– les biens de petites surfaces (studio) car ils utilisent une consommation minimale d’eau chaude pour les douches et la cuisine et ils ont proportionnellement plus de murs extérieurs. A Paris, 52 % des studios sont en G. Faudra-t-il les retirer du marché locatif ?

– les biens en altitude. Ils dépensent forcément plus d’énergie au m2 que des logements identiques situés sur la Côte d’Azur. C’est juste que l’air étant plus froid, il faut plus d’énergie pour arriver à 19°C.

Un dernier sujet sur lequel il faut s’attarder. La consommation calculée est multipliée par un coefficient de pénalisation dénommé « coefficient d’énergie primaire ». Il est de 1 pour le gaz, le bois, le fioul, le charbon, mais de 2,3 pour l‘électricité. Le classement d’un bien chauffé avec de l’électricité est donc dégradé d’un facteur 2,3. La méthode de calcul favorise ainsi le gaz, énergie fossile !

Le 11 octobre 2023, 42 sénatrices et sénateurs ont déposé une proposition de loi visant à supprimer ce coefficient de pénalisation de l’électricité.

Si cette proposition est adoptée, des millions de propriétaires de « passoires thermiques » électriques vont se retrouver avec des logements vertueux !

Impossibilités techniques et juridiques dans les copropriétés

Comment un copropriétaire pourra sortir de l’étiquette infamante G qui lui a été attribuée ?

Il lui faudra obtenir l’accord de la copropriété pour installer une pompe à chaleur sur son balcon et convaincre les autres copropriétaires de la pertinence d’une isolation par l‘extérieur.

Même avec de la bonne volonté, la réalisation de tels travaux en copropriété dans des délais aussi courts (2025 pour la première échéance) est juste irréaliste.

Aberration de la sanction 

L’interdiction de louer est particulièrement mal venue car :
– c’est une privation incroyable du droit de propriété (voir l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme de 1789),
– la France manque de logements,
– le DPE pénalise injustement les petits logements, les copropriétés, le bâti ancien, les logements en altitude,
– elle conduit les propriétaires à mettre en place des pompes à chaleur au lieu d’isoler les logements,
– elle place les propriétaires bailleurs dans une insécurité juridique intenable (quid des logements déjà loués),
– le calendrier est irréaliste.

Les préconisations

La vraie solution consisterait à considérer les propriétaires comme des entrepreneurs du logement et à les aider à améliorer la qualité des biens loués.

En attendant cette réforme des mentalités, il est urgent d’apporter des amendements aux modes de calcul du DPE et aux textes régissant les rapports locatifs :

– corriger les modalités de calcul des DPE pour les petites surfaces ;

– revoir la grille de classement des biens en altitude ;

– modifier l’algorithme pour le bâti ancien et les immeubles collectifs ;

– assouplir les interdictions de louer pour les biens en copropriétés ;

– prévoir des exceptions à l’indécence en cas d’impossibilité technique, juridique ou économique ;

– revoir le coefficient de pénalisation de 2,3 pour l’électricité ;

– confirmer que les interdictions de louer ne s’appliquent pas aux baux en cours.


[1] Office public de l’habitat